• J’ai récemment suivi une formation sur les us et coutumes exotiques qu’il convient de respecter lorsqu’on part en voyage loin, si loin, chez un client. Autant dire que j’avais beaucoup à apprendre. Ce n’était pas comme si ma maman m’avait appris à être polie et à écouter les autres ; la route de la courtoisie était encore bien longue à parcourir (j’ai pour habitude de mordre les gens très fort). C’est donc guillerette, exaltée et à l’affût de doctes leçons que je me suis rendue à ce cours qui promettait des moments mémorables.

    La formation (j’ai failli noter « la mascarade », mais faisons comme si) était fondée sur deux principes forts : l’anecdote exemplaire et le rappel des valeurs et motivations du consultant idéal.

    En guise d’introduction, nous eûmes droit à un petit laïus sur le caractère décisif de notre mise (des fois qu’on aurait eu l’idée de venir au boulot en pyjama). On nous indiqua notamment qu’une jeune consultante avait sévèrement été réprimandée, car « elle était très bien faite de sa personne, mais ses talons aiguille faisaient mauvais genre chez le client » (le sourire déplaisant que le formateur arbora à l’énoncé de cette phrase me fit dire que dans un autre contexte, il n’avait rien contre les filles qui faisaient mauvais genre).

    La suite fût toute aussi croustillante, grâce aux belles histoires qui nous furent narrées quant à des consultants ayant eu l’outrecuidance d’exprimer une opinion personnelle (exemples : « Je dois t’avouer que cette mission me motive assez peu », « Je suis pas sûr que ce soit la bonne méthode », « J’aime pas trop les salsifis »), ce qui les condamna les uns après les autres à rejoindre Satan et tous ses potes.

    Vint ensuite un temps fort de la formation : un sourire en coin, Gérard-je-coupe-les-cheveux-en-quatre nous lança, visiblement très inspiré : « Y a-t-il quelqu’un qui soit indifférent à la question pécuniaire ? ». Devant l’absence de réaction de l’audience (50% de « hin hin hin, ARGEEEEEENT !!! », 50% de léthargie), Gérard conclut que l’argent était notre plaisir ultime et, satisfait de partager un grand moment de complicité avec nous, commença à nous expliquer comment se la donner grave, la stratégie globale consistant à être un mouton-loup (soumis et avec les dents longues) (cette expression m’inspire des images bizarres-perverses, je me dispenserai de vous en faire part).

    Enfin, c’est le cœur allégé d’un poids que nous ignorions que nous sûmes bientôt que les consultants surpris trop souvent au téléphone pour des motifs personnels avaient intérêt à s’inquiéter pour leurs fesses, car les clients, ces « animaux fourbes » (ça leur ferait sûrement plaisir), n’aiment pas dépenser une blinde pour une équipe de prestataires et avoir l’impression qu’ils se tournent les pouces (non, SERIEUX ?). Nous apprîmes ainsi, sur le chemin de la sagesse, que, lorsqu’il s’agissait de sujets relevant de notre vie personnelle, parler, envoyer des mails ou discuter en ligne était MAL. Sauf si l’objectif sous-jacent était l’enrichissement effréné de notre cher réseau, bien sûr. J’en déduisis, à l’issue de ce petit couplet, que si le travail pouvait (devait ?) allègrement empiéter sur notre vie personnelle, l’inverse était sévèrement proscrit.

    Midi sonnait, le formateur se tut. L’air dramatique, il se tourna vers nous pour juger de l’effet de sa prose sentencieuse et s’assurer d’avoir planté en nous, jeunes âmes encore baignées de la fraîcheur de l’innocence, les germes de la soumission dévote et de l’appât du gain.

     

    A l’issue de cette formation ô combien enrichissante, il me fallait garder en mémoire toutes ces paroles si sages. Un petit PPT récapitulatif me semble ainsi de rigueur. Pour une fois que j’ai de vraies idées forces, je ne vais pas bouder mon plaisir :


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  • Régulièrement, la vie sociale du consultant le met face à un abîme menaçant de perplexité. A moins d’être complètement asocial et de vivre reclus dans l'open space (riez, mais je suis sûre que certains de mes collègues n’ont pas d’autre foyer) (ce sont les mêmes qui préfèrent pisser des slides de Power Point plutôt que se laver), à moins de cultiver l’entre-soi au point de n’avoir pour amis que des consultants (promesse de dépression nerveuse), nous sommes bien forcés d’affronter le monde extérieur et cette douloureuse et sempiternelle question : « Ouais ok, mais c’est quoi au juste ça "consultant" ? »

    Plusieurs attitudes sont possibles dans une situation de ce genre. On peut éluder lâchement la demande (« tu sais, ça va pas t’intéresser… »), on peut se la jouer hautain (« j’te jure, c’est bien trop complexe pour que tu comprennes »), ou bien on peut tenter l’impossible : décrire ce qu’est effectivement un consultant. 

    Ce n’est pas tant que notre activité quotidienne soit très compliquée (comme le faisait judicieusement remarquer une de mes collègues : « ce qui est rassurant dans notre métier, c’est qu’il ne demande souvent aucune compétence »), mais elle est constamment entourée d’un jargon répugnant, qui s’imprègne dans les moindres synapses de notre cher cerveau et nous empêche d’exprimer la moindre pensée dans une langue saine et fluide. Face à un (heureux) non-initié, nous nous retrouvons ainsi à tester des formulations bancales, qui nous enfoncent généralement dans un discours à l’obscurité telle que l’interlocuteur dévoile peu à peu la profondeur de ses orbites.

    -      Bah… Euh… Je fais du pilotage, et puis… de l’orga, du SI… tout ça…
    -      Attends, attends, je te suis pas. Du pilotage ? Tu conduis une bagnole de course ?
    -      (rire poli) Non, mais je fais de la gestion de projet, quoi.
    -      De quel genre de projet ?
    -      Bah en ce moment, par exemple, j’accompagne la mise en place d’un système d’information…
    -      Ah ok, j’ai pigé ! Tu fais de l’informatique, en fait !

    A ce stade de la discussion, vous pourriez très bien conclure que oui, oui, c’est ça, vous faîtes de l’informatique et tromper ainsi votre interlocuteur par confort, mais vous risquez alors d’être sollicité toute la soirée à propos de problèmes de logiciels machin-chose et d’interfaces bidule. Si vous êtes une bille en informatique, ce n’est définitivement pas la bonne option (croyez-moi sur parole, je sais ce que c’est que d’avoir l’air complètement à l’ouest). Théoriquement, il vous faudrait donc corriger et préciser. Mais, en ce qui me concerne, c’est généralement le moment où je ne peux m’empêcher de penser que je ne suis moi-même pas convaincue de connaître la réponse.

    C’est drôle : je suis payée à faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi.


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  • Je viens de me surprendre à faire de la batterie avec mes doigts, tout en chantonnant le refrain de Gimme Shelter des Rolling Stones.

    Il faudrait vraiment que mon client m’envoie un retour sur mon support pour que je puisse me remettre à bosser. J'aurais l'air moins con. 


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  • De retour de la machine à café, je viens de faire une petite expérience pour connaître l'activité informatique de mes trois collègues du jour (le protocole, particulièrement complexe, consiste à espionner discrètement l'activité en question).

    Résultats :
    Cobaye 1 : www.promovacances.com
    Cobaye 2 : www.centrepompidou.fr
    Cobaye 3 : www.vente-privee.com

    Je confirme : je n'ai aucune raison de culpabiliser quand j'alimente mon blog au boulot.


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